ARTICLE 19 se félicite de la Déclaration conjointe 2016 sur la liberté d’expression et la lutte contre l’extrémisme violent des quatre experts internationaux mandatés par les Nations Unies, l’Union africaine, l’Organisation des États américains et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui a été publiée lors des célébrations de la Journée mondiale de la liberté de la presse par l’UNESCO. Cette Déclaration conjointe exprime de vives inquiétudes sur l’impact potentiellement négatif des initiatives de lutte ou de prévention contre l’extrémisme violent (CVE/PVE) sur la jouissance des droits humains, et fournit un ensemble de recommandations pour empêcher les violations des droits humains.
« ARTICLE 19 partage les préoccupations exprimées par les quatre mandataires spéciaux alors que de nombreuses initiatives de CVE/PVE, présentées comme des mesures positives, risquent d’avoir un impact négatif sur les droits humains, en particulier le droit à la liberté d’expression, ainsi que sur les libertés de religion et de conviction, d’association, les droits à la vie privée, à l’égalité et la non-discrimination », a déclaré Thomas Hughes, Directeur exécutif d’ARTICLE 19.
« Le manque de définition communément admise de « l’extrémisme violent » ouvre la voie à des violations des droits humains. Nous savons que de nombreux gouvernements ciblent des journalistes, des blogueurs, des dissidents politiques, des activistes et des défenseurs des droits humains en les taxant d’ « extrémistes » ou de « terroristes ». La Déclaration conjointe s’appuie sur l’expertise de plusieurs experts internationaux et régionaux pour dénoncer les violations des droits humains dans le contexte de la lutte contre l’extrémisme violent », a ajouté Thomas Hughes.
La Déclaration conjointe fournit à la société civile un outil de plaidoyer puissant et démontre que tous les dispositifs visant à lutter contre la violence ou l’incitation à la violence doivent être fondés sur le respect des droits humains et l’État de droit. La liberté d’expression est un élément essentiel à la promotion de l’égalité et au combat contre l’intolérance. Toute restriction de la liberté d’expression dans le contexte de la CVE/PVE doit apporter des preuves de son efficacité et s’appuyer sur un cadre légal afin de soutenir sa nécessité et sa proportionnalité en vue de réaliser des objectifs légitimes.
Les recommandations aux États figurant dans la Déclaration conjointe comprennent les points suivants, sans s’y limiter :
- Tous les programmes et initiatives de CVE/PVE doivent respecter les droits humains et l’État de droit, et contenir des sauvegardes spécifiques contre les abus. Ils doivent faire l’objet d’un examen indépendant sur une base régulière afin de déterminer leur impact sur les droits humains, dont le droit à la liberté d’expression, et ces examens doivent être rendus publics ;
- Toute stratégie visant à combattre le terrorisme et la violence doit soutenir l’indépendance des médias et le pluralisme des communications ;
- Les programmes et initiatives de CVE/PVE doivent être adoptés de manière transparente et avec la participation effective des communautés affectées ;
- Les concepts d’« extrémisme violent » et d’« extrémisme » ne doivent pas servir de motif pour restreindre la liberté d’expression à moins qu’ils soient définis de manière claire et suffisamment précise. Toute restriction reposant sur un cadre de CVE/PVE doit être manifestement nécessaire et appropriée pour protéger, en particulier, les droits d’autrui, la sécurité nationale ou l’ordre public. Il en est de même lorsque le concept est invoqué pour limiter les activités de la société civile, y compris par rapport à leur élaboration ou leur financement, ou pour restreindre des droits fondamentaux, y compris de droit de protester.
- Les États ne doivent pas assujettir les intermédiaires d’Internet à des exigences impératives de suppression ou de restriction de contenus sauf lorsque les contenus concernés sont légalement limités dans le respect des normes énoncées ci-dessus. Les États doivent s’abstenir d’exercer des pressions, d’imposer des punitions ou de récompenser des intermédiaires dans le but de restreindre des contenus licites ;
- Les États ne doivent jamais baser la surveillance sur le profilage ethnique ou religieux ou cibler des communautés entières, par opposition à des individus particuliers, et ils doivent mettre en place des systèmes juridiques, de procédure et de surveillance appropriés pour empêcher les abus de pouvoir en la matière;
- Des débats ouverts et l’accès à l’information sur tous les sujets doivent être encouragés dans les écoles et les universités, et dans les textes académiques, scientifiques ou historiques. Les institutions académiques doivent respecter le pluralisme, promouvoir la compréhension interculturelle et soutenir la capacité des membres de toutes les communautés, et en particulier les groupes marginalisés, à exprimer leurs points de vue et leurs préoccupations.
Notes pour les rédacteurs
Les quatre experts internationaux sur la liberté d’expression sont : David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; Dunja Mijatovic, Représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe pour la liberté des médias ; Edison Lanza, Rapporteur spécial de l’Organisation des États américains pour la liberté d’expression ; et Pansy Tlakula, Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
Les Déclarations conjointes des quatre rapporteurs spéciaux sont adoptées chaque année depuis 1999, et couvrent des problématiques universelles actuelles de la liberté d’expression. Les précédentes déclarations sont disponibles ici.
ARTICLE 19 coordonne la rédaction de ces déclarations conjointes depuis 1999.