L’organisation Article 19 considère que la circulaire n. 4 en date du 16 janvier 2017 émise par le Président du Gouvernement régissant le travail des cellules d’information et de communication relevant des ministères, des institutions et des entreprises étatiques constitue une atteinte au droit d’accès à l’information puisque son premier point va à l’encontre des dispositions de l’article 32 de la Constitution Tunisienne et du Décret n.41/2011 relatif à l’accès aux documents administratifs des structures publiques, mais également des dispositions de la nouvelle loi n.22/2016 en date du 24 mars 2016 concernant le droit d’accès à l’information.
Saloua Ghazouani, Directrice du bureau d’Article 19 en Tunisie considère que « cette circulaire représente un danger contre la liberté d’expression et d’information en Tunisie et pourrait entraver le travail des journalistes et restreindre le libre accès des citoyens aux informations concernant la gestion des entités publiques ».
Article 19 considère qu’il ne faut pas que la régulation des cellules d’information et de communication serve d’alibi pour restreindre les libertés et pour entraver le travail des journalistes. Dans ce cadre, Article 19 pense que toute régulation de la communication gouvernementale devrait prendre en compte les dispositions constitutionnelles, dont en particulier l’article 32 qui confirme la responsabilité de l’Etat à garantir le droit à l’information et à d’accès aux données, et des engagements de la République Tunisienne envers le Droit International. Le texte de cette circulaire ne doit en aucun cas être contraire aux textes de loi en vigueur dans ce domaine comme il ne doit pas restreindre les droits et libertés et leur pratique, ce qui constitue une atteinte à l’article 49 de la nouvelle constitution tunisienne.
Outre les dépassements légaux qui y sont contenus, cette circulaire pose un problème de par sa symbolique. En fait, une année est passée depuis l’adoption de la nouvelle loi organique concernant le droit d’accès à l’information, mais les décrets d’application de cette loi ne sont pas encore prêts et la commission d’accès à l’information prévue par la loi n’a pas encore été constituée alors qu’elle devrait être opérationnelle au plus tard en mars prochain.
« La plupart des structures publiques n’ont pas encore mis à exécution les dispositions de la loi quant à leurs engagements relatifs à la publication volontaire d’informations, de données et de documents, ou de réponse à des demandes d’accès aux informations. Pour répondre à cela, il fallait publier une circulaire incitant les fonctionnaires à respecter la loi et entériner ce droit et non les encourager à entraver et restreindre l’accès à l’information ou à dissimuler des données qui devraient au contraire être publiées volontairement. Ceci pose des questions sur l’existence d’une réelle volonté politique pour garantir ce droit » a ajouté Saloua Ghazouani.
Article 19 soutient l’appel des composantes de la société civile et des médias à retirer cette circulaire et demande au gouvernement tunisien de faire preuve d’un engagement positif pour renforcer le droit d’accès à l’information en mettant en œuvre la loi organique par l’émission des textes d’application et la mise en place de la commission d’accès à l’information dans les délais prescrits par la loi, et en lui fournissant tous les moyens et toutes les facilités pour la bonne exécution de sa mission.
Il est à noter que cette circulaire a demandé dans son premier point aux fonctionnaires publics de refuser de « faire des déclarations ou des interventions ou de publier ou divulguer des informations ou des documents officiels à travers la presse ou d’autres moyens d’information sur des sujets relatifs à leurs fonctions ou aux structures publiques où ils travaillent sans l’autorisation préalable et explicite de leurs chefs hiérarchiques ou des chefs des structures qui les emploient ». Ceci représente une violation de l’un des droits reconnus immédiatement après la Révolution de 2011 à travers la promulgation du décret n.41/2011 relatif à l’accès aux documents administratifs des structures publiques, plus tard renforcé pour devenir un droit constitutionnel en 2014. Son champ d’application s’est ensuite élargi et ses garanties ont été davantage renforcées après la ratification de la nouvelle loi organique n. 22/2016 en date du 24 mars 2016 relative au droit d’accès à l’information. La publication de cette circulaire a suscité un grand débat au sein de l’opinion publique tunisienne et une désapprobation considérable de la part des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des activistes de la société civile à cause des vraies raisons de sa publication et de l’ambiguïté de ses dispositions.