Suite à l’arrestation récente du journaliste Pape Sané, ARTICLE 19 condamne vivement la répression contre les journalistes, les médias et les libertés d’opinion au Sénégal. ARTICLE 19 a documenté le cas de Sané, ainsi que plusieurs autres cas où des journalistes et des activistes ont été emprisonnés et accusés de diffuser de « fausses informations », en vertu de l’article 255 du code pénal sénégalais.
ARTICLE 19 appelle les autorités sénégalaises à abroger ces dispositions, qui étouffent la liberté d’expression et la liberté de la presse, et les exhorte à s’abstenir de poursuivre les journalistes pour des faits liés à l’exercice de leur devoir.
Pape Sane a été arrêté dans son lieu de travail et transféré à la section de recherche de la Gendarmerie le 13 novembre, juste après la diffusion de l’émission « Kepar Gui » sur WALF Fm. A la fin de son audition par la gendaremie, on lui a signifié son placement en garde à vue.
La poursuite de Pape Sane pour « diffusion de fausses nouvelles » est basée sur une publication sur sa page Facebook intitulée « Les Sénégalais ne vous oublieront jamais », dans laquelle il a republié un article daté de 2021 rendant hommage au Général Tine, Commandant de la Gendarmerie nationale
Réagissant à cette situation, Alfred Nkuru Bulakali, Directeur régional d’ARTICLE 19 Sénégal et Afrique de l’Ouest, a déclaré :
‘La démocratie a besoin d’un journalisme critique et d’une pluralité de voix et d’informations. Nous demandons aux autorités du Sénégal à libérer le journaliste Pape Sané sans condition et abandonner toutes les charges contre lui. Arrêter un journaliste pour avoir exprimé une opinion critique pousse les médias vers l’autocensure, limitant ainsi le droit du public à l’information et la liberté de la presse.
‘Au lieu de réprimer la liberté d’expression, les autorités devraient promouvoir un haut niveau de tolérance pour différentes opinions sur leurs actions et leur conduite, y compris les opinions critiques, telles que recommendées par les principes de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la liberté d’expression et l’accès à l’information. Elles devraient également favoriser une culture de transparence et un environnement médiatique pluraliste et indépendant, garantissant ainsi au public une pluralité d’informations et d’opinions.’
Pape Sane rejoint la liste de personnes poursuivies pour avoir prétendument diffusé de fausses nouvelles depuis juin 2022. ARTICLE 19 réitère son appel à abroger l’article 255 du code pénal.
Le droit international des droits de l’homme, y compris l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), stipule que toute restriction à la liberté d’expression doit :
- Être prescrite par la loi ;
- Poursuivre un ou plusieurs objectifs légitimes ; et
- Être nécessaire (exigeant qu’il doit y avoir un besoin social pressant motivant la restriction) et proportionnée à l’objectif légitime poursuivi.
L’article 255 ne satisfait pas à ce test en trois parties. Le terme « fausses nouvelles » est très large, vague et ouvert à différentes interprétations. Pour répondre à l’exigence de légalité, les définitions dans les lois pénales doivent fournir autant de clarté que possible en détaillant exactement ce qui est interdit.
L’article 255 confère ainsi un pouvoir discrétionnaire excessif à ceux chargés de faire respecter la loi. Ceux qui sont soumis à la loi doivent être à mesure réguler leur comportement avec certitude [cela n’est possible que si la loi définit ce qui est interdit avec clarté, ce qui n’est pas le cas de l’article 255 du code pénal].
Les restrictions à la liberté d’expression sur la base d’une simple fausseté ou d’une nature trompeuse de certaines informations ne répondront pas non plus aux exigences d’intérêt légitime.
Cependant, l’article 255 ne spécifie aucune nuisance réelle et mesurable aux intérêts légitimes énumérés à l’article 19 du PIDCP, car il est impossible de savoir si le moral de la population a été affecté ou si les institutions publiques ont été discréditées ; et ignore que le discrédit des institutions publiques et l’atteinte au moral de la population peuvent être réalisés par des reportages légitimes sur des questions d’intérêt public. Il existe également un risque évident d’autoriser les autorités gouvernementales à décider si de tels reportages sont « vrais », en leur fournissant un puissant outil pour faire taire la dissidence.
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Maateuw Mbaye, Assistant de programme, ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest Email : [email protected] Téléphone : +221785958337
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