L’information est l’oxygène de la démocratie. Si les gens ne savent pas ce qui se passe au sein de leur société, si leurs dirigeants agissent sous le voile du secret, ils ne sont pas en mesure de participer d’une manière positive à la vie de leur société. Mais l’information n’est pas seulement nécessaire au public, elle est un élément constitutif majeur de tout bon gouvernement. Un mauvais gouvernement ne peut survivre que s’il pratique la culture du secret. Dans de telles conditions, l’incompétence, le gaspillage et la corruption ne peuvent que s’épanouir. C’est l’économiste, Amartya Sen, Prix Nobel de la Paix, qui faisait remarquer qu’on ne connaît aucun cas sérieux de famine dans les pays dotés d’un régime démocratique et d’une presse relativement libre. La divulgation de l’information permet aux citoyens d’examiner minutieusement les activités de leur gouvernement, et constitue le point de départ d’un débat sérieux et bien informé sur l’action gouvernementale.
Toutefois, en règle générale, les gouvernements préfèrent agir en secret. En langue swahélie, l’un des termes utilisés pour « gouvernement » signifie « secret farouche ». Les gouvernements démocratiques, eux-mêmes, aimeraient mieux poursuivre leurs travaux à l’abri des regards du public. Les gouvernements trouvent toujours de bonnes raisons pour justifier leur goût du secret – dans l’intérêt de la sécurité nationale, dans celui de l’ordre public, ou du bien public, et ainsi de suite. Les gouvernements considèrent trop souvent l’information comme leur propriété personnelle, alors qu’ils n’en sont que les gardiens agissant au nom du peuple.
C’est pour ces raisons qu’ARTICLE 19 a tenu à mettre au point une série de principes, valables pour l’ensemble de la communauté internationale, qui pourront servir de normes de référence à tous ceux qui veulent savoir si la législation de leur propre pays permet vraiment d’accéder à l’information de source publique. Ces principles définissent avec précision et clarté les moyens à mettre en oeuvre par le gouvernement afin de parvenir à une transparence maximale, conformément aux normes et aux pratiques les plus élevées.
Ces principes sont importants en tant que normes de référence, mais, à eux seuls, ils ne sont pas suffisants. Il faut que les militants, les avocats, les membres des corps élus et les fonctionnaires les appliquent. Ces principes devront être mis en œuvre, dans les circonstances particulières à chaque société, par des personnes qui ont pleinement conscience de leur importance et qui sont acquises à la cause de la tranparence au sein de l’administration. Nous publions ces principes en vue de contribuer à l’amélioration et à la consolidation de l’art de gouverner, du sens des responsabilités des organismes publics et de la démocratie à travers le monde.
Contexte
Ces Principes établissent des normes applicables aux institutions nationales et internationales concernées par le droit à la liberté de l’information. Ils serviront principalement aux législations nationales sur la liberté de l’information et le libre accès à l’information officielle, mais ils pourront également être appliqués à l’information détenue par les institutions intergouvernementales, telles que les Nations Unies et l’Union Européenne.
Ces Principes reposent sur la législation et les normes nationales et régionales, sur l’évolution des pratiques de l’Etat (telle qu’elle se manifeste, entre autres, dans les lois nationales et les jugements des tribunaux nationaux), ainsi que sur les principes généraux du droit, reconnus par la communauté des nations. Ces Principes sont l’aboutissement d’études, d’analyses et de délibérations prolongées, entreprises sous la surveillance d’ARTICLE 19, et faisant appel à l’expérience et aux travaux de nombreuses organisations associées, dans plusieurs pays du monde. Ces Principes ont été formellement approuvés par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression (2000 Rapport annuel, E/CN.4/2000/63, par. 43), ainsi que par le Rapporteur spécial de l’Organisation des Etats américains sur la liberté d’expression (1999 Rapport annuel, OEA/Ser.L/V.II.106, chapitre II(B)(3)).