Le Conseil d’Etat français a confirmé la mise en place d’un mécanisme de contrôle administratif des contenus en ligne qui ne respecte pas les exigences du droit international relatif à la liberté d’expression.
Dans une décision rendue le 15 février 2016, le Conseil d’Etat français a rejeté les recours dirigés contre les décrets relatifs au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique. En juillet 2015, ARTICLE 19 avait fait intervention dans la procédure pour soutenir les actions intentées par la Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs.
Il est clair que les buts poursuivis par la législation française, qu’il s’agisse de la protection de la sécurité nationale (à travers la lutte contre le terrorisme) ou de la lutte contre la pornographie impliquant des mineurs, sont des objectifs légitimes au regard du droit international. Cependant, les moyens choisis pour réaliser ces objectifs ne répondent pas aux autres exigences du droit à la liberté d’expression, en particulier les critères de légalité et proportionnalité.
Dans les observations soumises au Conseil d’Etat, ARTICLE 19 a souligné que le délit d’apologie du terrorisme en droit français est défini d’une manière excessivement large qui permet, comme la pratique l’a d’ailleurs démontré, des applications excessives qui frôlent l’arbitraire. En ce qui concerne la lutte contre la pornographie impliquant des mineurs, adopter une mesure de blocage d’un site Internet revient à s’attaquer au symptôme d’un mal plutôt qu’à ses racines.
Il est notoire que les technologies de blocage de sites Internet parviennent à la fois à manquer leur cible (les sites visés par l’interdiction ne sont de facto pas bloqués) et à frapper d’autres cibles (des sites qui ne correspondent pas à la définition des sites interdits sont de facto bloqués).
“Le blocage d’un site Internet constitue une mesure de restriction particulièrement sévère. C’est un instrument brutal qui frappe souvent la mauvaise cible en raison des risques inhérents de sur-blocage, et est source de restrictions inutiles et injustifiables de la liberté d’expression,” explique Pierre-François Docquir, Senior Legal Officer, ARTICLE 19
Dans les observations soumises au Conseil d’Etat, ARTICLE 19 s’inquiétait également de l’absence de contrôle juridictionnel préalable sur la décision des autorités de police de bloquer un site Internet.
“Au regard du droit international, la décision de mettre en place une restriction de la liberté d’expression aussi sévère que le blocage d’un site Internet ne peut être adoptée que dans le cadre d’une procédure devant un tribunal ou un autre organe indépendant et impartial et dans le strict respect des règles du procès équitable.” conclut Pierre-François Docquir.