Le 14 janvier 2015, l’humoriste français Dieudonné M’bala M’bala a été placé en garde à vue pour apologie du terrorisme. L’arrestation serait liée aux propos tenus par Dieudonné dimanche sur sa page Facebook, où il avait écrit : « Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly ».
« Les plaisanteries postées sur Facebook sur les attaques terroristes, même de mauvais goût ou injurieuses, sont protégées par le droit à la liberté d’expression, si elles ne sont pas en mesure de constituer de véritables actes d’incitation à commettre des attaques terroristes », a affirmé Thomas Hughes, directeur exécutif d’ARTICLE 19.
« Après le soutien massif au droit à la liberté d’expression de Charlie Hebdo, la mise en garde à vue de Dieudonné est un test qui permettra d’évaluer à quel point les autorités françaises sont prêtes à défendre les principes que Charlie Hebdo incarnait », a ajouté Hughes.
L’apologie publique du terrorisme est sanctionnée par l’article 421-2-5 du code pénal français.
Le délit est passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Des peines plus sévères sont prévues lorsque les faits ont été commis en ligne, portant à sept ans l’emprisonnement et à 100.000 euros l’amende.
« Les autorités françaises doivent tenir compte du contexte global du post de Dieudonné, et protéger son droit à faire des plaisanteries injurieuses ou de mauvais goût », a déclaré Thomas Hughes.
Les normes internationales indiquent clairement que la définition des actes de terrorisme ne devrait pas être générale ou vague au point d’y inclure l’expression, lorsqu’il n’y a pas de volonté réelle d’encourager ou susciter des actes terroristes. Pour imposer des sanctions pénales, un rapport direct et immédiat doit pouvoir être établi entre l’expression en cause et la possibilité ou la survenue de cette violence.
ARTICLE 19 s’inquiète que des peines plus sévères soient prévues lorsque le délit d’apologie du terrorisme est commis en ligne. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression a affirmé que la définition de nouvelles lois ou dispositions « spécifiquement conçues pour criminaliser l’expression sur Internet » n’est aucunement nécessaire.
On signale au moins 50 procédures ouvertes en France depuis la semaine dernière pour apologie du terrorisme. Il est difficile de quantifier le nombre de ces enquêtes qui sont liées à l’utilisation des réseaux sociaux.
« Les poursuites contre ceux qui, sur les réseaux sociaux, expriment des points de vue divergents ou minoritaires ne contribueront pas à la lutte contre le terrorisme, mais constituent une menace réelle de marginalisation accrue des citoyens, et mettent en danger la liberté d’expression », a affirmé Thomas Hughes.
« La liberté d’expression doit être protégée pour tous sans discrimination, y compris en ce qui concerne leur opinion politique, leur religion ou leurs convictions », a ajouté Hughes.
Des infractions pénales similaires existent dans d’autres pays, y compris le Royaume Uni, où « l’encouragement » des actes de terrorisme est réprimé par l’article 1 du Terrorism Act 2006. La Commission des droits de l’homme des Nations Unies, organe de l’ONU responsable du suivi de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s’est dit en 2008 inquiète que des personnes puissent être déclarées coupables de ces infractions alors qu’elles n’avaient nullement l’intention d’encourager directement ou indirectement les citoyens à commettre des actes de terrorisme.