Nous, les organisations de défense des Droits Humains, de la liberté d’internet et des médias soussignées, condamnons fermement les récentes restrictions d’accès à internet au Sénégal, qui ont été notées en marge des manifestations publiques qui ont suivi la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison pour “corruption de la jeunesse” à l’issue d’une procédure où il était poursuivi pour viol et ménaces de mort . Nous appelons le gouvernement sénégalais à abandonner ces mesures restrictives qui participent au rétrécissement de l’espace civique avec des restrictions des libertés publiques dénoncées à maintes reprises. Ces restrictions, qui ont affecté l’accès et l’usage des plateformes numériques populaires telles que WhatsApp, Twitter et Facebook, constituent une violation inquiétante des droits fondamentaux et des normes internationales en matière de liberté d’expression, de liberté d’internet et d’accès à l’information.
Nous invitons les autorités sénégalaises à respecter la liberté d’expression en ligne et hors ligne, restaurer l’accès et l’usage systématique des réseaux sociaux. De plus, nous rappelons au gouvernement du Sénégal ses obligations internationales en matière de droits de l’homme, notamment celles énoncées dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et dans le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), auxquels le Sénégal est partie.
La liberté d’expression, tant en ligne qu’ hors ligne, est un pilier essentiel de toute société démocratique. Les restrictions de l’internet et des réseaux sociaux privent les citoyens sénégalais du droit de s’exprimer librement, d’accéder à l’information et de participer au débat public. En plus de porter atteinte à ces droits fondamentaux, les limitations imposées sur internet entraînent des répercussions économiques considérables. Au Sénégal, une des pays les plus interconnectés d’Afrique , l’accès à internet revêt une importance capitale pour le développement économique, l’innovation, l’éducation et l’inclusion numérique.
Le gouvernement à travers le Ministre de l’intérieur a confirmé la suspension de l’accès à certaines applications et réseaux sociaux dans le but d’empêcher la diffusion de messages de haine ou d’appels à l’insurrection qui sont susceptibles d’envenimer la situation déjà très tendue. La liberté d’expression et l’accès à l’information en ligne et hors ligne sont des droits universels qui doivent être protégés, promus et respectés en toute circonstance.
Le discours de haine et l’appel à la violence en ligne sont condamnables et ne peuvent jamais être justifiés. Cependant, les plateformes disposent des normes pour les adresser directement dans une manière qui doit préserver la liberté d’internet et la liberté d’expression. Le Gouvernement, au lieu de restreindre l’accès et l’usage de l’internet, aurait tdû considérer que de tels discours si avérés sont traités et que les restrictions sont de nature à violer le droit pour tous à l’internet, à l’information.
Ces restrictions, par ailleurs, échouent aux critères du test en trois parties énoncées dans l’article 19 (3) du PIDCP pour justifier une restriction à la liberté d’expression.
La jurisprudence africaine a rendu plusieurs décisions dans le cas de coupure d’internet et de restrictions de plateformes numériques de communications. A titre d’exemple, la Cour de justice de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a rendu deux arrêts importants concernant les coupures d’accès à Internet. En 2020, la Cour a jugé qu’une coupure de l’accès à Internet au Togo en septembre 2017, qui avait duré trois jours, était une violation du droit à la liberté d’expression. Par conséquent, elle a ordonné au gouvernement de compenser la partie requérante. En 2021, plusieurs organisations ont saisi la Cour pour mettre fin à l’interdiction d’accès à Twitter au Nigéria et pour statuer sur la légalité de cette mesure. En juin 2021, la Cour a émis une mesure provisoire ordonnant aux autorités de s’abstenir de poursuivre, harceler ou sanctionner toute personne utilisant Twitter, y compris par le biais de réseaux privés virtuels. Elle a affirmé que toute restriction de l’utilisation de Twitter constituait une violation des droits de l’homme.
Nous appelons tous les acteurs concernés, y compris les organisations régionales et internationales, à surveiller attentivement la situation au Sénégal et à travailler ensemble en faveur de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Signataires
- ARTICLE 19 Senegal Afrique de l’ouest
- JONCTION
- Associations des Professionnels de la Press En Ligne (APPEL)
- Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO)
- Human Rights Journalists Network Nigeria
- Media Institute for Southern Africa-Malawi Chapter
- Paradigm Initiative (PIN)
- Young People Rights, The Gambia
- Africa Cybersecurity Alliance (ACA)
- The Gambia Cyber Security Alliance (GCSA)
- DiGiCiViC Initiative (Registered as- ADVOCATES FOR THE PROMOTION OF DIGITAL RIGHTS AND CIVIC INTERACTIONS INITIATIVE)
- Consortium of Ethiopian Human Rights Organizations (CEHRO)
- TechHerNG
- Bloggers of Zambia
- Gambia Inforsecurity Community (GamCON)
- African Center for Youth Development, Education and Advocacy Initiative
- African Center for Youth Development, Education and Advocacy Initiative
- Enough is Enough (EiE) Nigeria
- Give1Project Gambia
- Digital Rights Coalition – Malawi
- ADRN – Cameroon
- Zambian CyberSecurity Initiative Foundation
- Knowledge House (KHA)
- TechSocietal, Nigeria