Demain, dans les bureaux des Nations unies à Genève, une coalition d’organisations de défense des droits humains exhortera la communauté internationale à se pencher sur la répression de la liberté de parole de plus en plus sévère au Cambodge. La situation des droits humains dans ce pays s’est nettement détériorée depuis 2009, période à laquelle le Cambodge s’est soumis pour la dernière fois à l’Examen périodique universel (UPR), processus en vertu duquel tous les États membres des Nations unies sont évalués par roulement. Cette coalition s’inquiète particulièrement de l’approche de plus en plus agressive adoptée par le royaume du Cambodge pour réduire au silence les militants, les défenseurs des droits humains et les journalistes qui émettent des critiques.
Les organisations de la coalition affirment que les Cambodgiens dénonçant les politiques gouvernementales oppressives sont régulièrement pris pour cibles, harcelés et persécutés. Interdiction des rassemblements pacifiques, moyens excessifs et violents employés par les agents de sécurité à l’encontre des manifestants, arrestations et poursuites judiciaires motivées par des raisons politiques… Toutes ces pratiques bafouent les droits humains fondamentaux et universels, ainsi que la Constitution cambodgienne.
Ce mois-ci, les autorités cambodgiennes ont fait au moins quatre morts et des dizaines de blessés en ayant recours à une force excessive. En outre, plus de 34 personnes ont été arrêtées, dont au moins 23 – parmi lesquelles figurent des défenseurs des droits humains – sont maintenues en détention après avoir été appréhendées lors de mouvements de protestation.
Le 28 janvier à Genève, le Centre cambodgien pour les droits humains, PEN International, ARTICLE 19 et l’Union internationale des Éditeurs observeront l’examen du Cambodge et feront campagne au nom de la coalition, qui comprend également PEN Cambodge, le Centre cambodgien pour les médias indépendants, le Comité pour des élections libres et justes au Cambodge, et l’Alliance de la presse de l’Asie du sud-est.
« Depuis les élections de l’année passée, il est clair que le peuple cambodgien ne veut plus garder le silence. Des dizaines de milliers de personnes risquent leur vie pour s’exprimer et réclamer la société qu’elles souhaitent. La répression de toute dissension par les autorités ne peut plus continuer. Il est temps de respecter la liberté de parole et les droits humains. C’est le message que doit véhiculer la communauté internationale », a déclaré Thomas Hughes, directeur exécutif d’ARTICLE 19.
En juin 2013, la coalition a présenté un contre-rapport au Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, détaillant les violations de la liberté de parole commises par l’État cambodgien et adressant des recommandations à ce dernier.
Cette coalition organisera un événement à Genève, en même temps que l’UPR, pendant lequel interviendra Mme Tep Vanny, célèbre défenseure du droit au logement. Elle et 10 autres militants ont été arrêtés le 20 janvier 2014 devant l’ambassade américaine à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, alors qu’ils faisaient signer une pétition réclamant la libération de 23 manifestants appréhendés plus tôt ce mois-ci après avoir participé à un mouvement de protestation des travailleurs du textile. L’événement de la coalition aura lieu le 28 janvier dans la salle XXIV du Palais des Nations, de 12 h 30 à 14 h 30.
Marian Botsford Fraser, présidente du Comité des écrivains en prison de PEN International, a déclaré : « La suppression croissante des voix des protestataires et des détracteurs cambodgiens illustre une détérioration inquiétante de la liberté d’expression dans ce pays. L’examen de la situation des droits humains qui aura lieu mardi survient à un moment critique. Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies doit faire pression sur le gouvernement cambodgien pour qu’il protège les droits humains de ses citoyens. »
Le contre-rapport recommande notamment de décriminaliser la diffamation, combattre l’impunité systémique au Cambodge, mettre fin au harcèlement du personnel d’organisations non gouvernementales, promouvoir la liberté d’Internet, et autoriser les manifestations pacifiques en respectant le droit à la liberté d’association et de réunion. Il appelle également à la liberté des médias en instaurant des systèmes protégeant de toute influence gouvernementale et accessibles à tous les partis politiques, ce qui est essentiel pour garantir des élections libres et justes.
« Il est temps pour le royaume du Cambodge d’être mis face à son bilan négatif en termes de droits humains. Lors de cet Examen périodique universel, la communauté internationale devra se pencher sur les violations systématiques des droits humains commises à travers tout le pays, ainsi que sur le fort climat d’impunité qui est devenu caractéristique du Cambodge. Cela dit, même si l’UPR mettra en évidence les échecs [de ce pays] en matière de droits humains, la communauté internationale devra se conformer à ses recommandations pour assurer l’efficacité de ce mécanisme de révision », a déclaré Ou Virak, président du Centre cambodgien pour les droits humains.