Suite au coup d’Etat militaire le 24 janvier, ARTICLE 19 appelle l’Union Africaine et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à s’assurer que la protection des droits humains soit au centre des discussions avec le gouvernement de transition du Burkina Faso. La prise du pouvoir constitue un nouveau recul de la démocratie en Afrique de l’Ouest, après les coups d’État en Guinée Conakry et au Mali.
Le 24 janvier, le Président KABORE a été renversé par un coup d’état militaire. Dans la foulée, l’UA et la CEDEAO ont suspendu le Burkina Faso de leurs instances, bien qu’aucune n’autre sanction n’ai été formulé à l’encontre du Burkina lors de la rencontre des dirigeants de la CEDEAO ce 03 février. Toutefois, ils ont demandé l’élaboration d’un calendrier rapide de retour à l’ordre constitutionnel.
L’espace civique au Burkina Faso a été sévèrement restreint depuis la fin du mois de novembre 2021. Les autorités ont réagi de manière violente aux manifestations, faisant des blessés parmi les manifestants et les passants. Au moins trois journalistes, Ibrahima Kaboré, de la chaîne de télévision privée La Chaîne au cœur de l’Afrique (LCA), Henry Wilkins, journaliste indépendant, et son collègue d’Associated Press (AP) Mednick, ainsi qu’un enfant, auraient été blessés lors de deux manifestations distinctes depuis novembre. Dans certains cas, les autorités ont empêché la tenue de ces manifestations. Des acteurs de la société civile, notamment ceux qui participaient à l’organisation des manifestations, dont Mamadou Drabo, secrétaire exécutif du mouvement » Sauvons le Burkina Faso « , Hervé Ouattara et Marcel Tankoano, membres de la coalition d’organisations ayant appelé à la marche, ont été arrêtés et condamnés dans le cadre de procès qui semblent avoir des motivations politiques. Dans ce contexte, les autorités ont également coupé l’accès à Internet à au moins trois reprises – entre le 20 et le 28 novembre 2021, le 10 janvier 2022 et, plus récemment, le 23 janvier 2022, cette dernière interruption survenant au milieu de la rumeur du coup d’État. Les responsables gouvernementaux ont justifié les deux premières coupures d’Internet par des raisons de sécurité nationale.
« Le gouvernement militaire actuellement au pouvoir au Burkina Faso a récemment annoncé qu’il rétablissait la Constitution qui avait été suspendue après le renversement du président Kabore. La Constitution fournit des garanties importantes pour la protection des droits de l’homme, notamment les droits de manifester, d’accès à l’information et de s’exprimer librement. Ces droits doivent être rétablis dans le pays et être considérés comme prioritaires par l’UA et la CEDEAO dans leurs discussions avec le gouvernement de transition. De son côté, le gouvernement de transition, s’il s’engage à restaurer la Constitution, doit respecter ces droits et tous les autres droits humains », a déclaré Fatou Jagne Senghore, directrice régionale d’ARTICLE 19 pour l’Afrique de l’Ouest.
ARTICLE 19 réitère que le fait de ne pas autoriser une manifestation ne la rend pas en soi illégale. En fait, la résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme reconnaît que « des manifestations pacifiques peuvent avoir lieu dans toutes les sociétés, y compris des manifestations spontanées, simultanées, non autorisées ou restreintes ». Lors du maintien de l’ordre dans le cadre de ces manifestations, les agents de la force publique sont tenus d’éviter le recours à la force et de s’efforcer de limiter la violence. En outre, les États doivent « accorder une attention particulière à la sécurité des journalistes et des travailleurs des médias qui couvrent des manifestations pacifiques, en tenant compte de leur rôle spécifique, de leur exposition et de leur vulnérabilité ». Par ailleurs, ARTICLE 19 rappelle aux autorités l’appel lancé par le Secrétaire Général de l’ONU aux États pour qu’ils « veillent à ce que les mesures antiterroristes ne portent pas atteinte à l’espace démocratique et civique, à ce que les acteurs de la société civile puissent agir efficacement sans crainte de représailles, et à ce que l’action antiterroriste ne serve pas de prétexte pour faire taire la dissidence ou l’opposition.
« L’espace civique offre aux citoyens la possibilité de s’organiser collectivement, de s’exprimer afin d’influencer les décisions qui affectent leur vie, et de demander des comptes aux gouvernements. Cette tendance inquiétante des autorités burkinabè à réduire l’espace civique constitue un véritable recul des libertés fondamentales. Des efforts doivent être faits pour permettre aux citoyens et aux OSC d’exercer leurs droits fondamentaux sans crainte ni intimidation », a poursuivi Fatou Jagne Senghore, Directrice Régionale d’ARTICLE 19 Afrique de l’Ouest.
La perturbation d’Internet constitue une violation grave de la liberté d’expression et du droit à l’information. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a condamné les actions qui empêchent ou entravent l’accès à l’Internet et à son contenu. Il a également appelé à la protection de la liberté d’expression. Il a en outre appelé à « la promotion, la protection et la jouissance des droits de l’homme sur Internet« , affirmant que : les mêmes droits que ceux dont jouissent les personnes hors ligne doivent également être protégés en ligne, en particulier la liberté d’expression, qui est applicable sans considération de frontières et par le biais de tout média de son choix, conformément à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
ARTICLE 19 demande aux autorités du Burkina Faso de soutenir les politiques qui maintiennent l’accès à l’Internet pour tous, conformément à son obligation internationale, et s’abstenir de restreindre l’accès à l’Internet à l’avenir.
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