ARTICLE 19 appelle les autorités burkinabè à mettre immédiatement fin à la répression des médias étrangers et à honorer leurs obligations de respecter et de protéger la liberté d’expression. Il est essentiel qu’elles garantissent la sécurité et la protection des journalistes et des médias, tant locaux qu’étrangers, et qu’elles veillent à ce qu’ils puissent exercer leur travail sans craindre de représailles.
La répression croissante à l’encontre des médias étrangers au Burkina Faso est profondément préoccupante. La récente suspension de La Chaine Info LCI, un média français, qui fait suite à la suspension de France 24 et de Radio France Internationale (RFI), ainsi qu’à celle de journalistes (leurs noms) des journaux Libération et Le Monde, constituent des sérieuses alarmes sur l’état critique de la liberté des médias dans le pays.
‘Les interdictions récurrentes des médias étrangers au Burkina Faso depuis décembre 2022 suscitent de vives inquiétudes. Un gouvernement ouvert, même pendant une période de transition, doit tolérer la pluralité des opinions dans les médias, y compris la critique. La lutte contre le terrorisme n’est pas incompatible avec une presse libre et le droit à l’information. Les tentatives d’étouffer ou de supprimer des médias rélevent d’un certain dénis de vérité et de transparence. Le respect de la liberté de la presse, la possibilité pour les journalistes de travailler sans crainte ni intimidation, et la création d’un environnement propice à la diversité des points de vue sont des principes qui sous-tendent une société libre et juste. Nous invitons l’autorité de transition à préserver ces principes,’ a déclaré Bulakali Alfred Nkuru, Directeur régional de ARTICLE 19 Sénégal et Afrique de l’Ouest.
Cadres juridiques et normes internationales
Le Burkina Faso est partie à plusieurs instruments internationaux et régionaux qui garantissent la liberté de la presse. Il s’agit notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ces instruments reconnaissent et protègent le droit à la liberté d’expression, y compris la liberté des médias. Le principe 11 de la Déclaration des principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique invite les États à prendre des mesures positives pour promouvoir des médias divers et pluralistes, favorisant notamment la libre circulation de l’information et des idées.
Ainsi, toute restriction à la liberté de la presse doit être légale, avoir des motifs légitimes pouvant inclure la sécurité nationale, l’ordre public, la santé publique ou la réputation d’autrui, et elle doit être nécessaire et proportionnée. Dans chaque cas, les autorités burkinabè doivent démontrer que les suspensions et les expulsions des médias étrangers sont nécessaires et proportionnées pour atteindre ces objectifs légitimes. Dans de nombreuses situations, un avertissement ou une mise en demeure aurait pu être plus proportionné qu’une sanction directe telle que l’interdiction ou la suspension de journalistes et de médias. Dans le souci de proportionnalité, les autorités avaient la possibilité d’user de leur droit de réponse en demandant aux médias dont les informations sont controversées de publier leur version des faits. Cela permettrait au public de se faire un jugement éclairé au lieu d’être privé de l’intégralité des programmes des médias concernés.
Le nombre de médias français sanctionnés au cours de derniers mois posent la problématique de la non-discrimination. . Le principe de non-discrimination exige que tous les médias, qu’ils soient nationaux ou étrangers, soient traités de manière égale et bénéficient des mêmes droits et protections en ce qui concerne la liberté de la presse. Les médias français ne devraient pas être traités de manière discriminatoire par rapport aux médias nationaux ou étrangers présents au Burkina Faso.
Contexte
Le gouvernement affirme défendre les principes fondamentaux de la liberté d’expression et d’opinion, mais ses actions contredisent cela.
Dans une déclaration publiée le 23 juillet, le Conseil supérieur de la communication (CSC), l’autorité de régulation de la communication publique au Burkina Faso, a déclaré que LCI avait été « suspendue pour une période de 3 mois au Burkina Faso sur toutes les plates-formes proposant des bouquets de télévision payante » avec effet immédiat.
Un épisode de l’émission « 24h Pujadas, l’info en question » diffusé le 25 avril 2023 présentait la journaliste Abnousse Shalmani discutant de la crise sécuritaire dans la région du Sahel, y compris des informations spécifiques sur le Burkina Faso. Les autorités ont affirmé que les informations qu’elle avait partagées avaient le potentiel de créer de l’inquiétude parmi la population et de compromettre la coopération nécessaire pour faire face efficacement aux défis en cours pendant la période de transition.
Le 6 juin 2023, les autorités ont fermé le journal burkinabè d’investigation L’Événement dans le cadre d’un litige fiscal, une décision condamnée par la Société des éditeurs de la presse privée (SEP).
Avant cela, le gouvernement avait expulsé des correspondants des journaux français Libération et Le Monde le 1er avril. Il avait aussi ordonné la suspension indéfinie de la chaîne de télévision France 24 fin mars. Bien apparavant, le gouvernement avait décidé la suspension de RFI en décembre 2022.
Ensemble, ces actions remettent en questionl’engagement réel du gouvernement à sauvegarder les principes de la liberté d’expression et de la presse libre.
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