La Coupe du monde de football commençant dans seulement une semaine, ARTICLE 19 appelle le pays hôte, le Brésil, à promulguer une nouvelle loi concernant le recours aux forces de police pendant les manifestations qui devraient avoir lieu tout le long du championnat.
Cette requête survient alors que l’année passée, le Brésil a été témoin de mouvements de protestation de grande ampleur, la plupart liés aux actions entreprises par le pays pour se préparer à accueillir la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques.
Paula Martins, directrice du programme Amérique latine d’ARTICLE 19, a déclaré :
« Nous avons été informés à de nombreuses reprises que la police réagissait en ayant recours à une force excessive pendant les manifestations, utilisant notamment des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène.
« Visiblement, bien que le Brésil soit une démocratie, ce pays a encore toutes les caractéristiques d’une dictature quand il s’agit de réglementation.
« De plus, la Loi générale sur la Coupe du monde, adoptée en 2012, interdit déjà toute manifestation qui ne contribue pas à un événement « festif et amical », ce qui signifie que certains mouvements de protestation, selon leur nature, pourraient être considérés comme illégaux.
« Le droit de manifester, compris dans le droit à la liberté d’expression, est protégé par le droit international. Le gouvernement brésilien doit le reconnaître et agir en conséquence pour garantir que les manifestations futures se déroulent en toute sécurité. »
ARTICLE 19 a publié un rapport, Brazil’s own goal: Protests, Police and the World Cup, qui fait état d’un certain nombre de préoccupations communes concernant la police et les autorités, notamment :
- l’absence d’identification des policiers pendant les manifestations ;
- les arrestations et les placements en détention arbitraires, y compris la détention pour interrogatoire, pratiques presque inconnues depuis la fin de la dictature militaire ;
- la criminalisation de la liberté d’expression et les manifestants traités comme des délinquants ;
- la pré-censure, notamment le fait d’interdire aux manifestants de porter des masques ou de transporter du vinaigre (utilisé en cas de recours au gaz lacrymogène) ;
- la disproportion des actions policières ;
- l’utilisation d’armes létales et le recours abusif à des armes non létales ;
- le recours à des « agents provocateurs » (des policiers sous couverture) lors des manifestations, parfois dans le but de provoquer et d’encourager des troubles et des violences ;
- le contrôle des médias sociaux par la police, l’ABIN (l’agence de renseignement brésilienne) et l’armée, l’enregistrement des manifestations par la police, qui interdit aux manifestants de surveiller les actions policières ;
- la priorité donnée aux biens plutôt qu’à la sécurité des manifestants ;
- les menaces et les enlèvements ;
- la création d’un tribunal spécial dans l’État de São Paulo pour juger spécifiquement les affaires liées aux manifestations, ce qui bafoue les garanties individuelles prévues par la Constitution brésilienne.
Selon ce rapport, plus de 600 manifestations différentes ont eu lieu l’année dernière, et 50 000 personnes ont participé à 15 d’entre elles. Selon les informations dont nous disposons, 837 personnes ont été blessées, 2 608 ont été placées en détention et huit ont trouvé la mort.
ARTICLE 19 appelle le gouvernement brésilien à protéger le droit de manifester, compris dans le droit à la liberté d’expression, en promulguant une nouvelle loi réglementant le recours aux forces de police pendant les manifestations. Cette loi devrait se conformer aux normes internationales. Elle devrait également prévoir le déploiement des forces de police lors de manifestations dans le but de veiller à ce que les participants puissent exercer leur droit de manifester en toute sécurité, et devrait être élaborée dans un esprit de négociation et non de répression, comme c’est actuellement le cas.
ARTICLE 19 craint également l’application éventuelle de nouvelles lois après les manifestations de juin. Celles-ci prévoient des sanctions plus sévères pour les infractions liées aux dommages causés à des biens et aux coups et blessures, lorsqu’elles sont commises pendant des manifestations, et érigent en infraction l’utilisation de masques lors de mouvements de protestation et le blocage de routes publiques.