ARTICLE 19 exprime sa préoccupation face aux attaques incessantes infligées par diverses autorités exécutives, législatives et judiciaires contre les journalistes et médias en Algérie depuis le début de cette année. Ces violations ont été perpétrées auprès de plusieurs journalistes.
Ainsi que par des décisions arbitraires de l’autorité de régulation de l’audiovisuel (l’ARAV)dont la fermeture définitive ou temporaire de six institutions de presse algériennes et de bureaux de médias étrangers. Des décisions qui violent tant les obligations internationales de l’Algérie en matière des droits humains que les nouvelles dispositions constitutionnelles du 01ernovembre 2020.
Depuis l’émergence du mouvement le Hirak populaire, l’Algérie a adopté de nouvelles dispositions législatives à l’instar de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine et a modifié son code pénal élargissant la définition du terrorisme et durcissant sa législation pénale en vue de restreindre les libertés d’expression et de manifestation ainsi que d’étouffer l’espace public. Ces mesures ont été prises afin de contrer le mouvement du Hirak populaire. ARTICLE 19 a mis en garde contre la gravité de ces amendements, qui incluent des termes fourretout pouvant être utilisés politiquement afin de s’attaquer à la liberté d’expression et d’information.
« L’information est un bien public vital pour tous et pour toutes. Un journaliste libre et indépendant reste le meilleur allié d’une bonne démocratie. L’Algérie doit permettre à la liberté de la presse de prospérer au lieu d’adopter des mesures drastiques et des pratiques d’intimidation des journalistes et des médias,” affirme Saloua Ghazouani, Directriced’ARTICLE 19 MENA.
La poursuite des journalistes non-conforme aux normes internationales
Le 12 août 2021, le tribunal de Tammanrast a condamné le journaliste Rabeh Karéche, correspondant du quotidien Liberté, à un an de prison pour : promotion de fausses nouvelles et d’informations auprès du public et atteinte à l’intégrité de l’unité nationale. Cette condamnation vient à la suite de la publication d’un compte-rendu d’un mouvement de protestation des Touaregs.
Le 6 septembre 2021, le journaliste Hassan Bouras a été arrêté par les forces de l’ordre pour appartenance présumée à une organisation terroriste et subversive, apologie du terrorisme, complot contre la sécurité de l’État afin de changer le système de gouvernance, et utilisation des moyens techniques et médiatiques pour enrôler des individus contre l’autorité de l’État.
Le 12 septembre 2021, le journaliste du journal Liberté, Mohamed Mouloudj a été arrêté par les forces de l’ordre. Il est incriminé pour les chefs d’inculpation suivants : appartenance à une organisation terroriste, diffusion de fausses informations et atteinte à l’intégrité de l’unité nationale.
ARTICLE 19 rappelle que la Constitution algérienne garantit la liberté de la presse dans son article 54. De surcroit elle interdit l’imposition de sanctions privatives de liberté pour les délits de presse. Par conséquent, l’emprisonnement des journalistes de par leur activité journalistique constitue une violation grave de la Constitution.
ARTICLE 19 souligne que toute limite à la liberté d’expression doit répondre au critère tripartite énoncé dans l’article 19.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La restriction doit être juridiquement définie, nécessaire « au respect des droits ou de la réputation d’autrui; et à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques » et proportionnée aux intérêts légitimes dignes de protection.
Les décisions de l’autorité de régulation de l’audiovisuel non-conformes aux normes internationales
Le 21 juin 2021, l’ARAV décide de suspendre toutes les émissions de la chaine Al Hayat pendant une semaine, à l’issue d’une interview télévisée avec un ancien député qui s’est interrogé sur les moudjahidines algériens et leur intégrité.
Cette décision à l’encontre de la chaine Al Hayat demeure contraire aux normes internationales relatives à la liberté d’expression, car empêcher les individus d’exprimer leur point de vue sur des questions historiques constitue une restriction disproportionnée à la liberté d’expression. Le Comité des droits de l’Homme souligne que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne permet pas « les interdictions générales de l’expression d’une opinion erronée ou d’une interprétation incorrecte d’événements du passé. »
Le 16 août2021, l’ARAV a décidé de fermer définitivement la chaîne Lina- Tv parce qu’elle travaillait en dehors des cadres juridiques consentis bien que les motifs de cette décision ne soient pas clairs. Le 23 août2021, l’ARAV a rendu une décision similaire à l’encontre d’El Djazairia et elle a suspendu la chaîne Al-Bilad durant une semaine parce qu’elle a diffusé des images d’un crime terroriste.
ARTICLE 19 rappelle aux autorités algériennes les exigences de l’article 54 de la Constitution, qui disposent que les chaînes de télévision et de radio ne peuvent être arrêtées que par décision judiciaire alors que les décisions susmentionnées sont de caractère administratif émanant d’une autorité de régulation. De ce fait, les décisions de suspension ou d’arrêt sont une violation grave de la Constitution.
ARTICLE 19 appelle les autorités algériennes à mettre fin immédiatement aux violations contre les journalistes et les médias et à renverser les pratiques inconstitutionnelles.